Singing.

J’aimais chanter, dans mon enfance. Je chantais tout, le bonheur comme la tristesse. Je chantais par beau temps, par pluie ou par neige. Les adultes aimaient ma voix. Et pour ma plus grande fierté, les professeurs m’employaient pour les seconder en court de chant, lorsqu’ils étaient enroués. Je chantais pour les autres, je chantais pour moi-même, je chantais pour Elle. Mais Elle est morte. Je n’ai plus chanté. Plus jamais.

Je me souviens des heures passées à la table du salon, stylo à la main, cahier ouverts, seule avec toi, mon Amour. Je me souviens des heures passées à te chanter des berceuses, des requiems, des inventions. Tu m’écoutais, les yeux clos, comme tous les chats le font si bien lorsqu’ils sont heureux. Les notes s’envolaient, emplissaient l’espace, le comblait. C’était comme si les secondes, les minutes, se figeaient. Je recommençais. Les rayons de soleil se déversait par intermittence sur le bois clair de la table. Mais la porte finissait toujours par s’ouvrir, et les notes s’arrêtaient. La mélodie se taisait. Tu ouvrais les yeux, étonnée. Tu me regardais. Le temps recommençait à s’écouler.

Je n’ai plus jamais chanté avec toi. La mort t’as arrachée à ce monde, monde de miraculeuses misères. Le temps a passé. Le timbre de ma voix s’est aggravé, enroué. Comme un morceau de fer qui rouille quand on le laisse sans le toucher. Mais je chante pour toi, aujourd’hui. Je chante ma souffrance, ma nostalgie. Douleur de t’avoir perdue, perdue à jamais.

Je me souviens de tes yeux verts, de ton pelage d’ébène et d’opaline. Je me souviens de la douceur de ces poils dont j’ai réussi à garder un survivant. Le reste m’échappe. Mais tu es là, à mes côtés. Dans mon cœur, gravée dans mon âme, à la force de ce morceau de rouille. Je pleurerais de sentir à nouveau tes griffes s’enfoncer dans ma chair, comme tu l’avais fait la première fois. Je me souviens.